Variétés de la performance : perlocutoire et forme de vie

Tout au long de son œuvre, Cavell a eu pour objectif de « ramener la voix humaine dans la philosophie ». Pour Cavell, l’enjeu de la philosophie du langage ordinaire est de nous faire comprendre que le langage est parlé, prononcé par une voix humaine au sein d’une forme de vie. Il s’agit alors de déplacer la question de l’usage commun de la langue – centrale dans les Recherches philosophiques de Wittgenstein – vers la question de la définition du sujet comme voix, de l’expressivité individuelle et de la réintroduction de la voix dans la philosophie. Tel est pour moi l’enjeu de la discussion sur le perlocutoire, au-delà de la sempiternelle question de la différence ou non entre illocutoire et perlocutoire.

Dans la conception du langage que Cavell hérite d’Austin, le langage ordinaire ne concerne pas seulement la description de la réalité (un point qu’Austin a clairement démontré dans How to Do Things With Words, avec l’invention du performatif) et pas seulement l’action sur le monde – il est le lieu de l’expressivité et de la vulnérabilité humaine à la parole. C’est au carrefour de la description, de l’action et de l’expression que nous allons ici situer le perlocutoire. Dans ce chapitre, nous allons défendre l’idée que le perlocutoire est au cœur même de la philosophie du langage ordinaire, puis illustrer la vulnérabilité du langage par l’exemple des excuses – une réalité de la forme de vie humaine qui est inséparable du perlocutoire ; et enfin analyser l’acte perlocutoire comme étant essentiel à une description complète des actes de parole, des formes de vie et finalement de la réalité.

Citer ce chapitre de livre : Laugier, S. "Variétés de la performance : perlocutoire et forme de vie", dans Daniele Lorenzini et Sandra Laugier (dir.), Perlocutoire. Normativités et performativités du langage ordinaire, Mare & Martin, Collection de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, 2021. ⟨hal-03742860⟩