Le secret comme ordinaire : "Le Bureau des légendes" et la modification du regard
Quelle éducation peut-on attendre d’une série télévisée ? Le genre de l’espionnage offre un terrain d’exploration privilégié pour celui qui s’intéresse à cette question. La fiction, écrite ou cinématographique, compense régulièrement la pénurie d’informations qui caractérise le monde du renseignement et permet de se figurer un monde qui par définition se dérobe au regard (Zegart 2010 ; Melley 2012 ; Willmetts 2017). Les références aux romans, films et séries télévisées nourrissent conversations ordinaires (Laugier 2012) et débats politiques sur les activités des services pour différentes raisons : d’une part, « l’espace imaginaire » de l’espion est bien plus important que son espace « réel », social et institutionnel, et les activités pratiques de l’espionnage ont partie liée avec ces représentations (Dewerpe 1994). D’autre part, ces discours fictionnels sont souvent issus du monde du secret, par l’entremise d’anciens espions passés à l’écriture, voire d’une coopération entre services de renseignement et industrie du divertissement, brouillant ainsi un peu plus leur statut épistémique. Dernière née de cet imaginaire prolixe : la série télévisée Le Bureau des légendes (LBDL), diffusée sur Canal+ depuis 2015, fait aujourd’hui figure d’exception.
Citer cet article : Blistène, P. (2018). Le secret comme ordinaire : Le Bureau des légendes et la modification du regard. A contrario, 26, 115-133. https://doi.org/10.3917/aco.181.0115