L’autre société des séries
La culture populaire n’est pas la culture mainstream. À l’instar d’une bande dessinée comme Barbarella ou des chansons à double sens des Beatles à la fin des années 1960, elle met en cause les valeurs établies de son époque (entendez : des générations installées), pour mieux parler à cette vaste frange de la population jeune qui ne s’y retrouve guère. Or aujourd’hui, cette culture-là, pleine de fièvre et d’interrogations sur nos sociétés, a investi le monde des séries télévisées. De fait, depuis l’aube de notre troisième millénaire, le succès et surtout l’évolution, saisons après saisons, de séries marquantes comme Buffy contre les vampires (1997-2003), Lost : Les Disparus (2004-2010) puis Game of Thrones (2011-2019), le développement des cultures populaires et l’élargissement des publics des arts, notamment via les plateformes du numérique, le streaming et le téléchargement jugé illégal, ont peu à peu ouvert aux séries TV un nouvel espace dans la société.
De façon sans doute plus étendue que la culture rap, elles ont accompagné chez des spectateurs et spectatrices un travail de réappropriation voire d’empowerment. Elles sont devenues un vecteur fort d’intervention et d’innovation sociales – ainsi que de démocratisation, si l’on entend par démocratie non pas un système institutionnel, mais une exigence d’égalité et de participation à la discussion publique. Car la culture pop, telle qu’elle se décline sous de multiples facettes dans les séries TV d’aujourd’hui, s’avère bien plus qu’un simple espace de divertissement : un lieu pluriel et contrasté d’imagination morale et politique.
Citer ce numéro spécial : Laugier, S. & Kyrou, A. (2021). L’autre société des séries TV. Multitudes, 84, 162-164. https://doi.org/10.3917/mult.084.0162