Une démocratie des liens faibles

dans Alexandre Gefen et Sandra Laugier (dir.), "Le pouvoir des liens faibles"

La thèse de l’article de Mark Granovetter, « La force des liens faibles » (19731) est construite sur l’opposition entre des « liens forts » (amitié, famille, mariage, travail, etc.) et des liens sociaux, à faible charge affective ou officielle, mais essentiels dans le fonctionnement des interactions humaines : relations en public, rencontres, dialogues sur internet, relations lointaines et distendues. Ces liens sont négligés traditionnellement par la réflexion éthique et politique, et sont pourtant au cœur de nos formes contemporaines d’attention. Tout en évitant les glissements trop faciles du faible au fort (qu’on retrouve jusque dans l’expression du titre « force des liens faibles »), nous voulons montrer ici comment la démocratie elle‑même s’est transformée, d’institution ou de forme politique à forme de vie et est désormais tissée par/dans des liens faibles.

 

La démocratie vit de la faiblesse ou la plasticité des liens qui unissent les citoyens : dans l’espace démocratique ouvert par le champ numérique des réseaux sociaux, mais aussi dans les rassemblements sur les places et les ronds‑points, dans la sphère de la culture populaire, bref tout ce qui ancre la démocratie dans la conversation humaine. Pour comprendre cela, il faut s’attacher à la dimension politique de la conversation privée, et partir d’une société en miniature : celle du couple en conversation.

 

Citer ce chapitre de livre : Laugier, S. "Une démocratie des liens faibles", dans Alexandre Gefen et Sandra Laugier (dir.), Le pouvoir des liens faibles, Paris, CNRS Editions, 2020, pp.177-206. ⟨hal-03742097⟩