Daddy Dibinga Kalamba: "Scénarios d'espaces des séries sécuritaires africaines"
"Scénarios d'espaces des séries sécuritaires africaines. L'exemple des séries Tundu wundu, Cacao, et Bangui, unité spéciale"
L’histoire des séries en Afrique francophone subsaharienne est concomitante à celle de la télévision depuis sa naissance, fruit de la coopération avec la France. Avec la naissance de la télévision en Afrique, le théâtre « populaire », d’abord radiophonique, sera exporté à la télévision et, au fil de temps, il accouchera d’un genre proche de la sitcom. Cette dernière sera développée dans plusieurs pays africains et connaîtra son ascension vers la fin des années 90 et le début des années 2000, avec des séries comme Ma famille, Kadi Jolie, etc. Le XXIe siècle, particulièrement le début des années 2000, c’est aussi l’ère du numérique qui a facilité l’émergence d’un autre genre sériel proche du soap opéra, les « Afronovelas », qui ont envahi les écrans des foyers africains, détrônant ainsi les télénovelas sud-américaines, jadis adulées. Ces séries, qui se sont développées grâce à un modèle de financement local en pleine construction, ont connu leur ascension à partir de 2011 avec des séries sénégalaises comme Pod et Marichou, Maîtresse d’un homme marié, Infidèles, etc. Ce genre n’a pas empêché l’évolution d’une autre catégorie de séries financée par les soins d’un modèle préexistant, à l’instar de structures publiques tant nationales qu’internationales, comme le Fonds Image de la Francophonie, le CNC, le Fonds Jeune Création Francophone, ou encore la chaîne Canal+. C’est grâce à ces sources de financement que des séries comme Cacao d’Alex Ogou, Tundu Wundu d’Abdoulaye Wone, ou Bangui, unité spéciale d’Elvire Adjamonsi ont vu le jour.
Après un passage en revue de l’évolution des séries en Afrique francophone subsaharienne, les trois séries sécuritaires citées ci-dessus constituent l’objet de notre analyse. Il est question de comprendre comment les différents espaces filmiques, considérés comme fils conducteurs du récit filmique, permettent de mieux appréhender la notion sécuritaire sous trois formes différentes. Les espaces d’enquête dans Bangui, unité spéciale sont révélateurs de la manière dont un État ayant connu la guerre et les atrocités tente de s’organiser en vue de lutter contre toute forme de violence ; la rivalité sur les champs du cacao entre deux grandes familles, les Desva et les Ahitey, qui se battent pour le contrôle du négoce cacaoyer de la région de Caodji, est une représentation des luttes de pouvoir pour le contrôle économique, concentrées au sein des espaces familiaux ; dans Tundu Wundu, le subterfuge dont fait preuve le père de Myriam, politicien de surcroît, pour mettre fin à la vie du jeune Badara et venger le meurtre de son beau-fils, montre combien au sein des mêmes espaces existent des relations de pouvoir différentes, qui peuvent endommager l’appareil sécuritaire « étatique ».
Daddy Dibinga est associé de recherche au Centre de Recherche Collaboratif CRC 1265, de l’Institut de Sociologie de l’Université Technique de Berlin, TU, au sein duquel il travaille sur le projet « Séries en streaming : régimes de production et récits spatiaux dans les “Afronovelas” » depuis début 2022. Il s’intéresse au cinéma et à l’audiovisuel en Afrique francophone subsaharienne, son terrain de recherche. Il a à son actif plusieurs publications dont les plus récentes sont :
Dibinga, D., Ouoro, J. (en préparation).« Le financement des séries sénégalaises à l'ère du numérique, un modèle pour l'audiovisuel africain ? », Cinémas d'Afrique et de la diaspora : nouvelles perspectives, nouveaux défis.
Dibinga, D. (2022). « Présence des femmes dans les documentaires scénaristes-réalisatrices sénégalaises : regards croisés dans En attendant les hommesde Katy Lena Ndiaye et Congo, un médecin pour sauver les femmesd'Angèle Diabang ». Cossy, V., Le Quellec Cottier, C. (dir.), Africana. Figures de femmes et formes de pouvoir, Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », 2022.